Blogs du
Monde, Jeudi 10 janvier 2013, par Audrey Garric
Presque la moitié de la nourriture
mondiale serait gaspillée
Alors que 860 millions de personnes sont victimes de
malnutrition, et que la fin du siècle comptera 2,5 milliards de bouches
supplémentaires à nourrir, la moitié des denrées alimentaires produites dans le
monde est aujourd'hui gaspillée. C'est la triste conclusion du rapport Global
Food ; Waste Not, Want Not publié jeudi 10 janvier par l'Institution of
Mechanical Engineers (IME), l'organisation britannique des ingénieurs en génie
mécanique.
Selon cette étude, entre 30 % et 50 % des 4 milliards de
tonnes d'aliments produites chaque année sur la planète (soit entre 1,2 et 2
milliards de tonnes) ne finissent jamais dans une assiette. En Europe et aux
Etats-Unis en particulier, jusqu'à la moitié de la nourriture achetée est jetée
par les consommateurs eux-mêmes.
En cause : des dates de péremption inutilement strictes, des
promotions "deux pour le prix d'un", l'exigence des consommateurs
occidentaux pour des produits alimentaires esthétiquement parfaits, ainsi que
des mauvaises pratiques agricoles, des infrastructures inadaptées et des lieu
de stockage peu performants.
Dans les pays en développement, les pertes de nourriture ont
lieu au début de la chaîne d'approvisionnement, entre le champ et le marché, du
fait de récoltes inefficaces, d'infrastructures de transport locales
inadéquates ou de conditions de stockage inappropriées. Lorsque le niveau de
développement de l'Etat augmente, indique le rapport, le problème se déplace
vers l'aval de la chaîne de production avec des déficiences au niveau des
infrastructures régionales et nationales. Dans le Sud-Est asiatique, par
exemple, les pertes de riz oscillent entre 37 % et 80 % de la production totale
en fonction du stade de développement du pays, la Chine se situant par exemple
à 45 % et le Vietnam à 80 %.
Dans les pays développés au contraire, une plus grande
partie de la nourriture atteint les consommateurs en raison de bonnes
infrastructures. Mais le gaspillage est tout de même à l'œuvre du fait de
mauvaises pratiques de marketing et du comportement des consommateurs. Ainsi,
jusqu'à 30 % des cultures de légumes du Royaume-Uni ne sont jamais récoltées.
Cette perte nette ne se limite pas, selon le rapport, aux
déchets générés par les aliments non consommés. Le gâchis est visible à tous
les niveaux de la chaîne de production alimentaire, dans l'utilisation des
terres, de l'eau et de l'énergie. Environ 550 milliards de m3 d'eau sont ainsi
perdus pour faire pousser des récoltes qui n'atteindront jamais les
consommateurs. En raison de ce gaspillage, et de la hausse de la population, la
demande en eau pourrait atteindre dix à treize mille milliards de m3 par an en
2050, soit trois fois plus que la demande actuelle.
"La quantité de nourriture gaspillée et perdue dans le
monde est stupéfiante, déplore Tim Fox, en charge de l'énergie et de
l'environnement à l'IME. C'est de la nourriture qui pourrait être utilisée pour
nourrir la population croissante de la planète ainsi que ceux qui ont faim
aujourd'hui. C'est également un gaspillage inutile des ressources terrestres,
aquatiques et énergétiques qui ont été utilisées dans la production, la
transformation et la distribution de ces aliments."
Face à la perspective d'une humanité à 9,5 milliards de
têtes d'ici à 2075, impliquant une pression croissante sur les ressources
nécessaires à la production alimentaire, l'IME appelle à une action urgente
afin d'éviter ce gaspillage. "Les ingénieurs ont un rôle crucial à jouer dans
la prévention du gaspillage alimentaire en développant des modes de culture de
transport et de stockage plus efficaces", estime l'organisation.
Mais de préciser : "Pour y parvenir, les gouvernements,
les agences de développement et les organisations comme les Nations unies
doivent travailler ensemble pour aider les mentalités à changer en matière de
déchets et décourager les pratiques de gaspillage des agriculteurs, producteurs
alimentaires, supermarchés et consommateurs."
Ces changements permettraient d'offrir 60 à 100 % de
nourriture en plus sans augmenter la production, tout en libérant du terrain et
en diminuant la consommation d'énergie.
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